Aller chercher les images cachées à l’intérieur de la montagne, faire resurgir les fantômes de ces monoliths de calcaire.
Pour moi, une archive est une peinture.
Chaque cliché qui voyage et traverse les époques, se métamorphose au gré des reproductions, copies, photocopies, agrandissements et impressions. Fasciné par la fabrique de l’histoire et les lectures que l’on peut en faire, je nourris une véritable obsession pour ces images détruites par la photocopieuse. Des images de journaux, mais aussi de manuels d’histoire où l’on étudiait Guernica en six par quatre centimètres. Ces photgraphies qui, dans un nuage de pixels et de grains noir et blanc, finissent par faire Histoire. En agrandissant ces images, j’y découvre des paysages.
Ces manières détournées de construire du récit historique occupaient déjà mon esprit lorsqu’en 2016, je serigraphiais les plaques en aluminium de mon projet LA TERRE DES SOCLES VIDES. J’ai imprimé à l’encre noire des images volées dans les livres d’histoire qui mettaient en scène des manifestants destituants des statues ou des œuvres d’Art Moderne. J’ai recadré chacun de ces clichés de manière à ce que les sujets renversés se tiennent à nouveau debout dans l’image.
Plus récemment, c’est à l’aide d’un télescope, motorisé et transformé en appareil de prise de vue, que je réalise des photos de Jupiter, Vénus et la Lune. J’imprime ensuite les images de ces astres en noir et blanc. Par une technique de transfert légèrement mise à jour, je détache l’encre pour qu’elle se dépose sur d’épaisses plaques en aluminium.
Pour mon exposition au Centre d’Art de la Villa Arson qui à débuté le mois dernier, j’ai expérimenté avec la notion de paréidolie. Ce phénomère décrit notre tendance à associer ce que l’on voit en regardant une paroie rocheuse ou les nuages à des formes humaines ou animales. Cette étonnante capacité du cerveau humain à « donner du sens » là où il n’y en a pas réellement. En jouant avec un plastique thermique, je fais apparaître des visages dans un paysage de mousse expansive. La résurgence de ces visages m’obsède, elle est une manière pour moi de parler des déplacements de croyances de notre contemporain.
Aujourd’hui, j’aimerais poursuivre les thèmes abordés dans ces différentes œuvres au travers d’une nouvelle recherche visuelle. En appui sur des photos réalisées au télescope dans les montagnes entourant Grenoble, je voudrais travailler à partir de la matière même de l’image. En utilisant ce télescope comme un microscope géant, non pas pointé vers le ciel, mais de jour et à l’horizontale vers les parois rocheuses des montagnes de saint- bernard, à quelques kilomètres de Grenoble. Je souhaite mettre en jeu ce dispositif pour réaliser des photos qui iraient creuser le réel, s’en approchant au maximum, comme pour le percer. Je souhaite ensuite faire vivre ces images en allant chercher des significations cachées à l’intérieur de leurs substances. Je veux m’approcher au plus près, là où l’image se brise, pour construire avec elle du récit. Je veux aller à la rencontre des peintures cachées au cœur de ces parois rocheuses comme pour faire resurgir les spectres d’une présence extraterrestre.
Mon point de départ serait de réaliser des sortes de grandes tablettes cosmiques à partir de ces images réalisées au telescope, que j’agrandirai et imprimerai. J’aimerais essayer d’adapter ma technique de transfert pour l’utiliser sur tirages traceurs jet d’encre avec des raquettes de sérigraphie et des chiffons imbibés d’acétone. À partir de cette technique de copie, je voudrais faire évoluer le processus de réalisation grâce à ce que je découvrirai en expérimentant dans la région, que le contenu de ces photos et les fantômes qui s’y cachent, induise la narration et fassent évoluer le processus.