Le projet que je souhaite mener à bien à l’occasion de la résidence Saint-Ange, pourrait marquer un tournant pour ma pratique artistique. Les possibilités offertes par la résidence, les échanges artistiques et intellectuels comme les moyens matériels, me permettent d’envisager un projet ambitieux et innovant dans mon travail.
Avec une vision élargie du dessin contemporain, que j’affirme comme un mode d’expression et de création autonome, j’ai développé, depuis 2011, ma propre méthode : je tire et fixe des fils, sur papier ou directement sur un mur, à l’aide d’un pistolet à colle. Les « lignes » matérialisées par ces fils sont différentes des lignes tracées par un crayon ou un stylo. Préalablement définies par le choix des fils utilisés – soi, laine, coton, cuivre, de couleur ou noir – ces lignes offrent un caractère méthodique, sans nuance. Ces lignes sont pour moi les métaphores des composants d’un « système » ou d’une « société ». Chaque fois que j’ajoute une ligne, je rapporte une fissure (« bug ») et le changement qui en résulte. J’essaye ainsi d’encourager la reconnaissance de la réalité provisoire.
Deux axes principaux sont au cœur de mon travail.
Les caractéristiques intrinsèques des matériaux que j’utilise conditionnent l’image de mes dessins, c’est pourquoi je suis toujours en train de faire évoluer ces matières, de la laine au cuivre, du noir et blanc à la couleur.
Les images qui apparaissent évoquent toujours des notions d’espace et d’architecture. La question de l’architecture est toujours présente dans mon travail, le thème de la maison « ie » (en japonais : la maison-foyer) revient régulièrement et depuis le début.
Dans le cadre de la résidence Saint Ange, je voudrais réaliser une série d’œuvres qui participe directement à la définition de l’espace, développer ce rapport à l’architecture, notamment intérieur.
« Fusuma » désigne une porte coulissante opaque, élément caractéristique dans l’architecture intérieure de la maison au Japon. Ce panneau coulissant fonctionne comme un tableau, comme un mur mobile, pour séparer un espace d’un autre espace. Chaque panneau mesure généralement 182 x 91 cm, les mêmes dimensions qu’un tatami, en harmonie avec l’aménagement intérieur des espaces.
J’utiliserai des toiles de ces mêmes dimensions pour créer une série de 6 dessins. En me basant sur la peinture décorative de Fusuma traditionnel, je voudrais créer des dessins, toujours avec des fils collés, dans lesquels j’intégrerais des techniques telles que l’estampage à la feuille d’or et le travail à l’encre. Assumant la fonctionnalité assignée au Fusuma, les oeuvres pourront modifier l’espace intérieur et le redéfinir. Partant du concept original du Fusuma «redéfinition de l’existant », les dessins élaborés sur ces toiles seront aussi porteurs de projections d’espaces, virtuels ceux-là.