J’ai commencé ma formation artistique à l’École Boulle, ce qui m’a permis d’intégrer par la suite les Beaux-Arts de Paris. J’y ai approfondi la pratique de la peinture et de la sculpture. J’ai ensuite quitté Paris, ma ville natale et les Beaux-Arts à la recherche de solitude. Cet exil créatif m’a poussé à produire nombre de peintures et de sculptures tout en voyageant.
Par ces nombreux voyages, j’ai parcouru à la manière des peintres romantiques une quantité de décors que j’intègre aux peintures. Par la figuration, je mets en scène des personnages souvent tirés de mes propres fictions. Un jeu d’opposition s’opère alors entre ces personnages imaginés et la réalité des décors.
J’insiste sur l’aspect théâtral, presque Gothique de la peinture par laquelle je fige des moments clés. Je suis aussi très inspiré par les œuvres de la Renaissance et leurs aspects narratifs. La pratique de l’artiste à cette époque flirte avec celle de l’artisan. Je souhaite, tout comme eux, avoir un rapport manuel et technique dans mon travail. Il est alors, pour moi impossible de se cantonner à la peinture. La sculpture, qui apporte une nouvelle dimension, me permet d’extraire mes personnages des peintures et de les rendre plus palpables.
Il est récurrent dans mon travail de voir des éléments se répéter, qu’une sculpture soit représentée en peinture et inversement. Par ces répétitions, j’aspire à créer une mythologie où l’œuvre, porteuse de détails, nous emmène vers un nouvel imaginaire.
Les influences littéraires nourrissent aussi mes travaux, de Philip K. Dick à Damasio, je puise dans la fiction et les univers uchroniques pour explorer les champs du possible dont notre époque a fortement besoin. L’absurde, le grotesque, dont les utilisations furent longtemps exploitées au Moyen-Âge, sont des champs lexicaux que j’utilise de plus en plus. C’est la nature, le vivant que je veux transgresser avec amusement pour transmettre des messages sur notre place en son sein et notre futur rôle à jouer.
PROJET POUR LA Résidence
J’ai pu expérimenter dans la Sarthe et dans la Drôme la vitalité du travail en solitaire. À chaque fois, un tournant s’opère, comme si ce recul que l’on ne prend pas, car sans même le soupçonner, nous pétrifie dans notre quotidien. C’est celui-ci que je recherche en ce moment et que la Résidence Saint-Ange m’apporterait. De l’espace dont mes sculptures ont besoin, de l’air de la montagne et du calme presque méditatif de la région. C’est aussi une période charnière où je souhaite de nouveau présenter mon travail et m’inscrire dans le paysage contemporain. La Résidence serait alors une très belle ouverture. Les travaux dans lesquels je me projette sont tirés des encyclopédies de Buffon, dans lesquelles il a répertorié méticuleusement les espèces animales. Tout comme lui, je me vois créer un vaste bestiaire, d’abord par la sculpture, mais en y apportant un filtre mythologique. J’entends par cela le fait de transfigurer les apparences en y incorporant des éléments inattendus, comme une girafe à tête humaine, une poule avec des pieds, ou encore, une huppe sur laquelle une fleur aurait poussé.
Cette pratique thérianthropique est utilisée depuis la nuit des temps, des grottes de Lascaux aux croyances égyptiennes, aux stigmates de Saint-François où le Christ est représenté avec un corps d’oiseau, aux harpies grecques. C’est par l’étrange que je veux interloquer à la manière d’un Odilon Redon, d’un Jérôme Bosch, avec une touche plus contemporaine où la couleur s’invite. Ce bestiaire expérimental et fantastique serait accompagné de grandes peintures, qui formeraient une longue fresque, chose que je ne peux faire dans mon atelier. Cette fresque, dont le décor reste à établir mais qui pourrait reprendre des codes de la région, mettrait en scène ces animaux hybrides. Je veux créer un paysage immersif qui amène le spectateur à l’émerveillement et à la rêverie.
Pour conclure, je souhaiterais que ces chimères suivent une figure centrale qui, pour l’instant, serait celle d’un centaure, métaphore du guide, du berger et plus simplement, figure emblématique de l’anthropomorphisme.