Nelson Pernisco

De l’école des Arts Décoratifs de Paris aux friches urbaines qu’il a squattées, du cadre institutionnel aux formes de vie alternatives, Nelson Pernisco comprend tôt que l’organisation de l’espace et du temps dépend des volontés qui s’en emparent. Si l’imaginaire des matériaux est toujours tributaire des significations politiques qu’ils recouvrent, depuis peu, sa critique de la fabrique de l’histoire, et des lectures qu’on peut en faire, laisse place à une réflexion sur l’art comme force de proposition. Portées par une ambition prospective, ces dernières expositions rendent compte du pas décisif que marque son œuvre en passant de l’acte purement dissident à une pensée plus projective, d’une vision dystopique inquiète à la possibilité d’une utopie concrète.
Florian Gaité, The Art Newspaper 2019.

 

Nelson Pernisco est né en 1993 à Paris, il vit et travaille aux ateliers Wonder à Clichy.

En 2021, il est nommé lauréat du Prix de la collection Marval for the best new entries avec son solo booth sur la foire de Artissima à Turin. Son travail a fait également l’objet de présentation personnelle au centre d’art de la Villa Arson (2022), au Centre d’Art Bastille de Grenoble (2020), à la galerie White Noise à Rome (2019, 2021), à la galerie Bertrand Grimont à Paris (2019), au Centre d’Art Winzavod à Moscou (2018). Son travail est présent dans différentes collections comme Marval (DE), le Fond d’Art Contemporain de Paris (FR), Frac de Caen (FR), Graci (IT), Bonetti (IT).
Diplômé des Art Décoratifs de Paris en 2017, il complète sa formation avec la création dès 2013 d’un grand projet collectif nommé Le Wonder. Ensemble, ils transforment ainsi en ateliers d’artistes, tous équipés, quatre bâtiments successifs de St Ouen à Bagnolet, Nanterre puis Clichy. L’association façonne ces bâtiments à son image : des lieux hors du temps, habités et pensés, par et pour des artistes, des musiciens, des réalisateurs, des curateurs, des poètes, des cuisiniers et des chercheurs. Le collectif a également été invité pour des expositions monographiques au centre d’art de L’Onde à Vélizy (2021), au Mac Lyon (2021), à Mécène du Sud Montpellier (2018). En 2018, ils sont nommés finaliste au Prix des Amis du Palais de Tokyo, en première pour ce prix individuel.

PROJET POUR LA RÉSIDENCE

Aller chercher les images cachées à l’intérieur de la montagne, faire resurgir les fantômes de ces monoliths de calcaire.
Pour moi, une archive est une peinture. 


Chaque cliché qui voyage et traverse les époques, se métamorphose au gré des reproductions, copies, photocopies, agrandissements et impressions. Fasciné par la fabrique de l’histoire et les lectures que l’on peut en faire, je nourris une véritable obsession pour ces images détruites par la photocopieuse. Des images de journaux, mais aussi de manuels d’histoire où l’on étudiait Guernica en six par quatre centimètres. Ces photgraphies qui, dans un nuage de pixels et de grains noir et blanc, finissent par faire Histoire. En agrandissant ces images, j’y découvre des paysages.


Ces manières détournées de construire du récit historique occupaient déjà mon esprit lorsqu’en 2016, je serigraphiais les plaques en aluminium de mon projet LA TERRE DES SOCLES VIDES. J’ai imprimé à l’encre noire des images volées dans les livres d’histoire qui mettaient en scène des manifestants destituants des statues ou des œuvres d’Art Moderne. J’ai recadré chacun de ces clichés de manière à ce que les sujets renversés se tiennent à nouveau debout dans l’image.
Plus récemment, c’est à l’aide d’un télescope, motorisé et transformé en appareil de prise de vue, que je réalise des photos de Jupiter, Vénus et la Lune. J’imprime ensuite les images de ces astres en noir et blanc. Par une technique de transfert légèrement mise à jour, je détache l’encre pour qu’elle se dépose sur d’épaisses plaques en aluminium.


Pour mon exposition au Centre d’Art de la Villa Arson qui à débuté le mois dernier, j’ai expérimenté avec la notion de paréidolie. Ce phénomère décrit notre tendance à associer ce que l’on voit en regardant une paroie rocheuse ou les nuages à des formes humaines ou animales. Cette étonnante capacité du cerveau humain à « donner du sens » là où il n’y en a pas réellement. En jouant avec un plastique thermique, je fais apparaître des visages dans un paysage de mousse expansive. La résurgence de ces visages m’obsède, elle est une manière pour moi de parler des déplacements de croyances de notre contemporain.


Aujourd’hui, j’aimerais poursuivre les thèmes abordés dans ces différentes œuvres au travers d’une nouvelle recherche visuelle. En appui sur des photos réalisées au télescope dans les montagnes entourant Grenoble, je voudrais travailler à partir de la matière même de l’image. En utilisant ce télescope comme un microscope géant, non pas pointé vers le ciel, mais de jour et à l’horizontale vers les parois rocheuses des montagnes de saint- bernard, à quelques kilomètres de Grenoble. Je souhaite mettre en jeu ce dispositif pour réaliser des photos qui iraient creuser le réel, s’en approchant au maximum, comme pour le percer. Je souhaite ensuite faire vivre ces images en allant chercher des significations cachées à l’intérieur de leurs substances. Je veux m’approcher au plus près, là où l’image se brise, pour construire avec elle du récit. Je veux aller à la rencontre des peintures cachées au cœur de ces parois rocheuses comme pour faire resurgir les spectres d’une présence extraterrestre.


Mon point de départ serait de réaliser des sortes de grandes tablettes cosmiques à partir de ces images réalisées au telescope, que j’agrandirai et imprimerai. J’aimerais essayer d’adapter ma technique de transfert pour l’utiliser sur tirages traceurs jet d’encre avec des raquettes de sérigraphie et des chiffons imbibés d’acétone. À partir de cette technique de copie, je voudrais faire évoluer le processus de réalisation grâce à ce que je découvrirai en expérimentant dans la région, que le contenu de ces photos et les fantômes qui s’y cachent, induise la narration et fassent évoluer le processus.

DANS L'ATELIER DE NELSON PERNISCO

RÉSIDENCE

En résidence du lundi 18 septembre jusqu’au 2 décembre 2023